De Tijuana a Guerrero Negro
Immédiatement après le passage de la frontière nous nous sommes sentis entrer dans un autre monde. Fini le décor aseptisé des rues américaines. Ici la musique envahit les trottoirs, les routes sont recouvertes de poussière et les vendeurs de tacos déambulent entre les voitures arrêtées au feu rouge. Malgré cette ambiance agréable nous avons résisté à l’envie de nous attarder dans les rues de Tijuana car la nuit cette ville prend un tout autre visage. Comme dans beaucoup de villes frontières tous les excès sont permis et le trafic de drogue, la prostitution, les agressions… sont très présents. C’est du moins ce qui nous a été dit. Nous avons donc pris les grands boulevards puis l’autoroute afin de quitter cette ville le plus rapidement. De toute manière il n’y a pas vraiment d’autres moyens de sortie possibles. Nous avons tout de même pris le temps de faire une petite pause dans un restaurant de la ville afin d’avoir un premier aperçu des tacos, burritos, tostadas et autres spécialités culinaires du pays. Nos papilles ont d’emblée été ravies et notre porte-monnaie aussi puisque nous nous en sommes tirés pour moins de 5 euros chacun. Le soir nous étions à plus de 40 kms de Tijuana, nous avions quitté l’autoroute et longions les côtes de l’océan Pacifique. L’occasion pour nous de trouver un magnifique spot de camping dans un immeuble abandonné avec vue imprenable sur l’eau.
L'autoroute qui nous a permis de quitter la ville de Tijuana.
La bande d'arret d'urgence se transforme alors en piste cyclable de luxe.
Les delicieux Tacos mexicains
L'ocean pacifique. Vue de notre Bivouac dans un immeuble abandonne
A partir de là nous avons laissé la GPS au repos car nous avons suivi la route 1, seule route goudronnée traversant la péninsule de la Basse Californie (Baja California en espagnol) du Nord au Sud. Pour information c’est la deuxième plus grande péninsule au monde et bien que peu connue des européens, elle constitue un lieu de vacances privilégié pour les touristes canadiens et américains fuyant le froid de l’hiver. Cette route nous a rapidement conduit jusqu’à Ensenada, préfecture de la Basse Californie du nord. Cette ville côtière est très prisée des retraités nord-américains. Du coup les commerçants parlent tous anglais et n’hésitent pas à héler les touristes. Dommage pour nous, ce n’était pas encore le Mexique comme nous l’imaginions mais au moins nous avons eu droit à une transition en douceur. De plus cela ne nous a pas empêchés de continuer nos découvertes culinaires. Et puis nous savions que c’était la dernière ville digne de ce nom que nous trouverions avant un bon moment.
Specialites mexicaines
Le plus anciens bar d'Ensenada. Il propose de merveilleuses Magarita!!!
Le problème quand il n’y a qu’une seule route, c’est qu’on est obligé de suivre son tracé. Ainsi quand la route 1 décide de quitter le terrain relativement plat de la côte pour s’enfoncer dans les terres, nos cuisses sont obligées de se mettre au travail pour franchir les différents cols se présentant devant nous. Et après 5 mois de repos elles sont devenues plutôt fainéantes. Heureusement après l’effort vient le réconfort. Ainsi, arrivés au sommet d’un col nous ayant fait souffrir toute l’après-midi, nous sommes tombés sur Franck, le propriétaire d’un « ranch » qui nous a proposés de planter notre tente dans sa cour. Ce fut la découverte d’un personnage haut en couleurs. Pour faire bref, il possède quelques vaches qu’il traie tous les matins. La vente des fromages fabriqués à partir du lait constitue son seul revenu. Cela doit lui prendre tout au plus 2h dans la journée et il occupe le reste de son temps dans cet endroit totalement isolé à arroser ses quelques plantes et bricoler tous les appareils en ruine trainant dans sa cour. Il tire son électricité des panneaux solaires qui alimentent une batterie de voiture elle-même alimentant une seule ampoule et son poste radio. De toute manière une ampoule est largement suffisante puisque sa maison ne comporte qu’une pièce faite d’une dalle en béton, de 4 murs en moellons et d’un toit en tôles. Il a bien une femme et une fille mais elles préfèrent vivre en ville et lui à la campagne alors ils font maisons à part. Il a travaillé plusieurs années dans un club de retraités américains ce qui lui a permis d’avoir de bonnes notions d’anglais. Il a également été routier ce qui lui a valu dans sa jeunesse de faire 3 ans de prison : il croyait que le camion contenait du poisson, il y avait en fait 5 tonnes de marijuana. C’est le Mexique. Un personnage très différent de nos rencontres dans les précédents pays mais avec qui nous avons passé une soirée sympa. En parlant de rencontres, nous avions également croisé un peu plus tôt dans la journée 4 cyclistes américains souhaitant comme beaucoup de voyageurs suivre la panaméricaine de l’Alaska à Ushuaia. Cette route est en effet très plébiscitée par les cyclotouristes et ce ne sont surement pas les derniers que nous trouverons sur notre chemin. Une autre particularité de la route 1, ce sont les fréquents contrôles militaires. Des soldats armés de kalachnikov arrêtent tous les véhicules et les fouillent pour s’assurer qu’ils ne transportent pas de drogue. Pour nous cela se passe plus en douceur. Les militaires nous posent quelques questions sur notre parcours et le contenu de nos sacoches mais cela semble être plus par curiosité et pour occuper le temps entre la fouille de 2 véhicules.
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Ca commence a faire pas mal de velos devant ce Restaurant/Hotel/Epicerie/Internet Cafe
Encore quelques cyclotouristes et nous serons bientot plus nombreux que les habitants du village.
La maison ou plutot l'espace de vie de Franck...
Les controles militaires sur la route 1. La photo est prise de loin mais nous avions un peu peur
de rester coincer plusieurs heures si on prenait des gros plans de ces miliatires armes jusqu'aux dents.
Nous avons ainsi pris notre temps durant les 400 premiers kilomètres afin de réhabituer en douceur notre corps à l’effort. Malgré la présence toute proche de l’océan, cette région est très aride et seuls les quelques vignobles mettent un peu de verdure dans cet immense territoire rempli de petits arbustes et d’herbe jaunie par le soleil. Heureusement les villages sont encore assez nombreux dans cette zone et permettent de facilement se ravitailler en eau et en nourriture. L’organisation de ces villages est assez simple. Pendant 1km environ les hôtels, restaurants et supérettes bordent la route 1. C’est la seule route goudronnée du village, l’accès aux habitations se faisant par des chemins en terre rouge. Après de grosses pluies les camions ont bien souvent du mal à repartir de ce bourbier. Des fois un feu rouge est présent au milieu du village permettant aux piétons de traverser. A nos yeux ils permettent surtout aux chiens errant très nombreux de s’approcher de nous. Mais c’est plus par curiosité que par agressivité. Cela suffit quand même à donner des sueurs froides à Sabrina qui n’aime pas trop les animaux en tous genres. Une fois le feu passé au vert, une file de véhicules fumant noirs, faisant plus de bruit qu’un tracteur et souvent avec un énorme chargement attaché sur le toit nous double. C’est d’ailleurs fou le nombre de véhicules non immatriculés ou immatriculés en Californie (Etats-Unis) qu’on trouve sur les routes mexicaines. Tous les moyens sont bons pour éviter de payer une assurance voiture. Malgré les idées reçues, les conducteurs dans cette région du Mexique sont courtois envers les cyclistes et laissent souvent une grande marge de sécurité en nous doublant en n’oubliant pas de faire un signe de la main pour nous encourager. Toutefois le nombre impressionnant de croix bordant la route laissent présager que le nombre d’accidents mortels est quand même assez élevé.
Les vignobles mexicains qui longent la route 1.
La route principale de San Vicente...
...et ses routes de terre qui menent aux habitations.
Voila le resultat apres une averse. Il ne faut surtout pas s'arreter au risque de ne pas repartir.
A la memoire des ces routiers qui ont perdus la vie au volant de leur camion.
Bref, ces 400 premiers kilomètres entre Ensenada et El Rosario nous ont permis de gentiment nous acclimater à ce nouveau pays. Par contre, après El Rosario c’est une toute autre histoire. La route 1 rentre totalement dans les terres provoquant 2 effets néfastes pour le cycliste : la zone désertique commence et la route se met à vertigineusement monter. Eh oui, si comme nous vous vous imaginiez que tous les déserts sont constitués de grandes lignes droites plates, eh bien ce n’est ici qu’un mirage. On prend en 30 kms plus de 600 m d’altitude. Et malheureusement cela ne se fait pas en une seule grande côte mais plutôt en plein de côtes de 3-4 kms suivis de 1-2 kms de descente. Résultat : il faut faire 900 m de dénivelé pour atteindre 600 m d’altitude. Bref, une épreuve aussi usant pour les jambes que pour le mental. Heureusement après 30 kms d’effort on atteint un plateau et le paysage prend une toute autre tournure. Fini l’océan s’étalant à perte de vue, ici les cactus sont rois. Probablement toutes les espèces de cactus existant sur Terre se retrouvent dans cette région appelée « La valle de los cirios ». Ils donnent au paysage un caractère grandiose et on se croirait perdus dans une BD de Lucky Luke. Planter sa tente dans un tel décor est tout simplement magique et vaut bien tous les efforts concédés auparavant. D’ailleurs pour la petite histoire nous avons eu droit à la pluie pour notre premier bivouac, encore un cliché sur le désert qui s’effondre.
Heureusement, nous n'avons pas besoin d'essence.
Et le ravitaillement en eau, c'est dans combien de kilometres?
Sabrina a l'air heureuse mais ce n'est qu'illusion!!!
Magnifique petit bivouac au milieu de ces geants
Et c'est reparti pour une journee dans le desert.
Petite pause pour admirer ce joli decor.
Cette région est délaissée des mexicains qui préfèrent vivre sur la côte. Du coup la distance entre les villages, ou plutôt les trous perdus, s’allonge. Il faut en général faire une bonne centaine de kilomètres pour trouver une épicerie et ainsi se ravitailler en eau et en nourriture. Cela oblige à prendre pas mal de victuailles et à augmenter considérablement le poids de son vélo. Nous étions ainsi bien contents d’arriver à Catavina, le premier « village » situé 125 kms après El Rosario. En plus d’une épicerie, nous avons également retrouvé nos 4 cyclistes américains qui avaient pris un jour de repos. Les 275 kms suivants se sont passés de la même manière : des paysages magnifiques et des villages se faisant rares. Enfin, après 400 kms et 5 jours et demi passés dans le désert, nous sommes entrés dans la Basse Californie du Sud. Cet évènement nous importait peu mais nous étions surtout contents car nous savions que cela signifiait l’arrivée à Guerrero Negro, une ville de 10 000 habitants d’où nous écrivons cet article.
Catavina, petit village dans le desert.
Les maisons/habitations de ce village sont presque toutes presentes sur cette photo.
Ca y est!!! Apres 770 kms, nous passons en Basse Californie du sud.
